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Quelles places pour les intellectuels et la diapora dans le développement de la Guinée ?

mardi 30 août 2016, par Abou KATTY

I : Introduction

  • Intellectuels classés « actifs » ou « passifs ». Actifs, ils défendent des idéaux et des principes universels avec une certaine fermeté, pouvant aller jusqu’à la remise en question de la validité, de l’objectivité, du pouvoir en place.
  • Dans un système social apaisé et à gestion démocratique établie, ils peuvent sans risque s’octroyer le droit de juger et de proposer des solutions à différents problèmes qui sont posés à la société.
  • Ve siècle avant J.C., avec les « sophistes » en Grèce, apparaît historiquement la notion d’intellectuel.
  • XVIIIe siècle après J.C., apparaissent des penseurs qui se disent « philosophes » et qui se dressent fortement, contre la religion, la tradition, la métaphysique (Londres et Paris). Ils considèrent que cette nouvelle civilisation à assise scientifique (Newton), doit contribuer à établir une organisation plus juste, plus équitable de la société.
  • Années 1934-1935, radicalisation du concept d’intellectuel, on a des groupes constitués luttant contre tout régime qui brime, persécute, des artistes, des savants, des hommes de lettre, des philosophes ou autres insoumis, etc…
  • Certains de ces intellectuels vont entrer en politique (André Gide, André Malraux, Jacques Soustelle, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Cheick Anta Diop, etc…)
  • D’autres vont se constituer en tribunal pour juger des méfaits de la deuxième guerre mondiale : des philosophes comme Jean-Paul Sartre, Bertrand Russel, des mathématiciens comme Laurent Schwartz, des physiciens comme Albert Einstein, des psychiatres comme Frantz Fanon, etc…
  • Par prise de conscience aiguë des conséquences mondiales du savoir qu’ils contribuent à propager, des scientifiques américains vont constituer un groupe dit groupe « Pugwash » et publier une revue d’analyse, pour évaluer les désastres que causerait à l’humanité un usage incontrôlé de la science.
  • Le concept d’intellectuels et de leurs attitudes à différentes époques vis-à-vis de l’Éthique et de l’Humanisme, traverse l’Histoire de l’Humanité.
  • Il s’agit ainsi d’un concept universel valable pour tout pays, qui procède également donc de la culture de l’intellectuel guinéen, pris avec tout son vécu.
  • De ce point de vue, les intellectuels guinéens de l’intérieur comme de la diaspora, sont à placer dans des contextes historiques, sociopolitiques et économiques, très particuliers pour la manifestation et l’exercice d’un Humanisme réel.
  • Ces contextes sont si particuliers, et ont été si peu favorables aux intellectuels guinéens, dans leur désir affirmé de contribuer à la solution des problèmes posés, que l’on peut se demander quelles places leur sont attribuées dans le développement général du pays.

II : Considérations générales

  • Les intellectuels guinéens, doivent-ils occuper des places qui sont attribuées selon des critères judicieux de compétence, ou qui sont conquises par des voies non avouables ?
  • Notons que dans l’Histoire politique de notre pays, certains intellectuels ont une grande responsabilité dans la caution qu’ils ont apportée à des politiques d’anéantissement de l’être, de dérive sociale et économique, le tout vécu par le peuple de Guinée dans sa chair.
  • Partie intégrante de la société, les intellectuels guinéens ont subi les mêmes affres des périodes terribles de l’histoire politique et économique de la Guinée.
  • Dans certaines périodes, nombre d’entre eux ont été obligés de sortir totalement du champ culturel, de se mettre dans le moule commode du pouvoir en place, en renonçant alors à ce qui fait la spécificité de l’intellectuel, à savoir, formuler des critiques objectives et constructives aux autorités économiques et surtout aux politiques.
  • Dans une telle situation, l’intellectuel devient dangereux, néfaste pour le progrès social. Il devient facilement un parvenu économique et politique, luttant quelquefois avec acharnement pour pérenniser des situations de rente.
  • L’Histoire de notre pays fait, qu’il est difficile de condamner sans discernement les intellectuels guinéens, même si l’on peut se demander si les systèmes d’oppression auraient pu perdurer sans la complicité volontaire ou imposée de certains d’entre eux.
  • D’où la responsabilité sociale et morale des intellectuels, une responsabilité pour laquelle ils doivent s’armer de beaucoup de courage et d’engagement, mener des luttes pour des idéaux qui soient conformes à une bonne conception Humaniste de la société et de la vie en général.
  • La question des places des intellectuels dans le développement du pays, sera abordée sous la forme d’un texte à tiroirs.

III : Quelles places ?

  • On sait la connotation péjorative qui est souvent accolée aux termes intellectuels et diaspora, avec une volonté manifeste de marginalisation. On taxe alors les uns d’idéalistes, les autres de ne pas bien connaître le problème guinéen, voire la Guinée elle-même, son tissu social, particulièrement pour les intellectuels de la diaspora.
  • De telles argumentations, poussées à l’extrême, conduisent à la mise à l’écart d’une fraction assez importante de la population guinéenne, fraction souvent qualifiée de surcroît.
  • Le paradoxal est que, ce sont presque toujours des cadres intellectuels et/ou politiques qui sont à la manœuvre dans cette marginalisation, avec ce que cela comporte comme dose d’égoïsme et d’individualisme, exacerbés quand le pays végète en terme de développement et que les places à occuper sont rares.
  • Les intellectuels guinéens, de tous bords, doivent se pencher très sérieusement sur cet aspect du problème guinéen.
  • Ils devront cultiver en eux-mêmes la notion forte d’intérêt général primant sur l’intérêt privé, aider à inculquer cet état d’esprit dans la population.
  • Conjuguer les forces et les capacités des guinéens doit être son credo, dans un monde d’intégration africaine et planétaire en cours depuis les années 1990.
  • A ce sujet rappelons la phrase de Amadou Hampaté Bâ, qui affirme que : « Les jeunes Africains auront accompli leur tâche quand ils sauront labourer leur propre terrain intérieur avec des instruments scientifiques qu’ils auront acquis à l’école étrangère ».
  • C’est dire l’importance de la diaspora dans une telle optique, conjuguée avec la vérité première, que ce sont essentiellement les hommes et les femmes qui construisent un pays, les richesses naturelles n’étant que des moyens à mettre à leur disposition pour cette construction, pour ce développement.

IV : Quelques axes, pour les places à occuper par les intellectuels et la diaspora

Nous ne ferons que les énumérer ici :

  • Les intellectuels guinéens, tout comme la diaspora, contribueront à l’information et à la sensibilisation de l’opinion publique, pour l’aider à faire une critique correcte du pouvoir public et des politiques, surtout quand ceux-ci ne se soucient pas suffisamment des hommes, des problèmes sociaux ou environnementaux.
  • Ils proposeront et soutiendront un système de développement, qui soit solidaire des plus démunis, équitable et respectueux de l’environnement.
  • Ils aideront à juguler les conflits interethniques, qui peuvent exister dans l’alternance politique et le partage des richesses, qui sont des moments pendant lesquels la solidarité ethnique prime presque toujours sur le lien national.
  • Ils devront prendre en compte le poids des personnes de la vieille génération, dites « personnes ressources », un poids qui reste important dans les sphères de décision. Ils privilégieront de fait la primauté du conciliabule et de l’exigence de débat, avant toute prise de décision.
  • Ils contribueront à la définition et la pratique d’une démocratie vraie, plus en relation avec les contextes historiques et culturels propres à la Guinée. Qui s’appuie sur les traditions participatives, sans occulter les expériences faites ailleurs par d’autres sociétés démocratiques, comme le respect des droits de l’Homme (sociaux, économiques, politiques), le respect de la liberté d’opinion, la réduction des écarts entre riches et pauvres par une répartition équitable des ressources du pays, etc...
  • Ils participeront ainsi à la consolidation d’une démocratie, qui relève plus d’un système social humaniste, socle initial des cultures guinéennes, que d’un système purement politique. Ils s’intéresseront particulièrement à l’aspect économique de la gestion du pays.
  • Ils aideront la Guinée à se confronter avantageusement aux autres pays du continent africain et du monde, en s’appuyant sur les pôles essentiels que sont : l’agropastoral, la santé, l’éducation, le tout dans un environnement de bonne gouvernance et de vraie démocratie.
  • Ils veilleront à ce que le pays ne soit pas condamné, à toujours copier des systèmes dont il n’est pas maître d’œuvre, surtout dans ces moments critiques de retour en force des États pompiers, dans les crises monétaires et financières en cours. Avec l’aide des amis de la Guinée, ils se pencheront sur cette question pour y réfléchir et proposer des solutions.
  • Il est important d’insister ici sur l’idée forte, que la Guinée doit utiliser d’avantage sa diaspora, une diaspora qui contribue à un haut niveau au transfert de fonds et de biens matériels vers le pays. La Guinée doit imiter dans ce domaine, des pays comme l’Inde, la Chine ou le Vietnam, qui appliquent à grande échelle cette stratégie dans leur politique de développement.

V : Conclusion

  • Dans le sillage du continent africain tout entier, on peut dire que la Guinée a encore des zones d’ombre qui bouchent quelque peu, son horizon démocratique et son économie. Des zones comme l’exode des intellectuels et des cadres, l’influence de la religion mondialisée, une certaine fragilité de l’État et des élites, etc…
  • Ce sont là, apparemment, beaucoup de facteurs qui sont négatifs pour le pays. Cependant on doit espérer de profondes mutations positives, tant politiques, économiques que démographiques.
  • Le grand défi reste d’assurer à la population guinéenne en croissance, une bonne formation professionnelle, technique et civique, en faisant le nécessaire pour la mettre au travail et la nourrir convenablement, des tâches dans lesquelles les intellectuels de l’intérieur et de la diaspora, se feront un devoir de s’impliquer sérieusement.
  • La diversification des partenaires internationaux, qu’elle peut se choisir librement en discutant de l’utilité ou pas des opérations de coopération, est un autre point d’intervention nécessaire des intellectuels dans les négociations, notamment ceux de la diaspora comme l’a avantageusement pratiquée le Ghana.
  • Ces avantages éviteront à la Guinée de rester une simple pourvoyeuse de matières premières, pour être en tête de peloton dans le développement endogène en s’appuyant sur ses intellectuels, une vraie ressource humaine professionnalisée, capable de nouvelles et bonnes idées dans les nouvelles opportunités offertes par des pays comme le Brésil, l’Inde, la Chine, (le BIC).
  • Les intellectuels, de l’intérieur cette fois, doivent contribuer à créer les conditions de réinsertion de ceux de la diaspora, dans le tissu de développement économique et politique du pays, aider au renforcement de la volonté politique de mise en commun des forces dans ce développement, dans une solidarité effective.
  • Relever de tels défis, confortera notre pays dans l’acquisition d’un poids significatif au niveau continental et au niveau mondial, lui permettant de mieux se faire entendre au plan international. Surtout, quand ses intellectuels lui auront permis de se doter d’une démocratie effective, répondant aux aspirations des populations, comme le respect des lois, la participation des citoyens aux affaires de la Cité, la formation aux mécanismes de représentation politique.
  • de construire des espaces de développement pour le bien général.
  • d’écrire pleinement et honnêtement son histoire, valoriser sa culture, pour mieux s’ouvrir sur l’extérieur et les partager dans un échange réciproque de valeurs démocratiques, valeurs expurgées de toutes les vicissitudes qu’elles subissent, de façon récurrente depuis si longtemps.
  • de mettre enfin, les populations au travail, un travail productif qui accroisse les richesses pour la collectivité, dans une gestion démocratique d’un pays, où les classes dirigeantes ont systématiquement des comptes à rendre de cette gestion.
    Abou KATTY
    Président ACTOG
    Saint Michel juillet 2015